Antiracisme au Maroc, hypocrisie et malhonnêteté intellectuelle.

Omar Aalabou
3 min readJun 14, 2020

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La récente situation aux États-Unis a relancé le débat du racisme systémique dans une échelle mondiale. Et même si le respect des consignes imposé par la situation pandémique a conduit à l’absence de toute manifestation publique contre ce problème, la contestation fût bel et bien présente sur le web. J’écris cet article comme une lettre ouverte à beaucoup de ceux qui dans le but de contribuer au Maroc à ce large débat sur le racisme, s’égarent dans des stratégies ignorantes des faits au mieux, malhonnêtes et hypocrites au pire.

Le Maroc?… Ça se mange?

La première de mes critiques, qui je pense fait plus ou moins l’unanimité chez le rang d’une grande partie des antiracistes marocains, est dirigée envers ceux et celles qui échouent à voir cette situation comme une occasion de débattre la problématique du racisme en général et dans leurs contextes respectifs en particulier, et qui se bornent à protester contre les violences policières aux États-unis, et ce même si le contexte Américain leur est étranger, et que cette problématique en particulier est une manifestation de violence raciale spécifique à ce contexte étranger. Cette position est au mieux une perte de temps car comme on a pu le voir dans plusieurs autres contextes, la protestation de la part d’individus contre une problématique interne à un état souverain qui leur est étranger, a de très faibles chances d’induire un réel changement. Cette position était donc au mieux, une perte de temps et au pire de l’hypocrisie masquée derrière du faux progressisme.

Le Maroc ce 51ème État américain.

L’autre critique que j’émets envers la réaction de plusieurs de mes compatriotes à la situation actuelle, et qui je pense est plus importante car elle vise un courant bien plus répandu pour ne pas dire majoritaire, est dirigée vers beaucoup qui avec la noble intention de combattre le racisme et l’intolérance, calquent la situation américaine sur le contexte marocain. Ces derniers diffèrent du premier cas étudié dans la mesure qu’ils comprennent la nécessité d’opposer le racisme et ces manifestations dans leur contexte local, en soi sont suffisamment éclairés pour comprendre qu’il faut avant tout comprendre le racisme et le combattre au Maroc. Cependant là où mes dents grincent est quand je vois que beaucoup poussent un discours qui implique que le racisme au Maroc se manifeste d’une manière semblable aux États-Unis et au monde occidental en général. L’argument que j’entends le plus venir de ce côté est qu’il existe au Maroc un racisme systémique antinoir qui s’enracine dans une tradition esclavagiste marocaine. Le problème avec cet argument c’est la manière dont il groupe tous les “noirs marocain” en un groupe, là où ils étaient divisés en plusieurs castes sociales, ça peut paraître pédant mais cette distinction est de très grandes importances, car cette division fait que beaucoup de noirs étaient considérés supérieurs à d’autres dans la hiérarchie sociale traditionnelle. Cette division est surtout visible entre les lineages maraboutiques incluant des familles noires, et les descendants d’esclaves haratines ou Gnaoua. La discrimination ici ne se centre pas seulement sur la notion de race mais englobe des facteurs tels que la religion, l’origine tribale, l’ascendance… Et là réside un autre problème avec le fait de calquer la situation américaine au contexte marocain, et c’est le fait que ça donne une image faussée de la situation des discriminations au Maroc, qui en général se dirige plus vers l’appartenance ethnique tribale religieuse ou régionale.

Conclusion

En conclusion je dirais que même si je semble très critique envers une partie non négligabledu mouvement antiraciste marocain, je ne nie pas la réalité du racisme au Maroc, et j’applaudis quand même les efforts déployés par beaucoup pour le combattre, je ne fraise que critiquer la démarche que je juge être peu efficace, avec un impact limité car déconnectée de la réalité de la situation dans le contexte marocain. L’antiraciste qui se sentira visé par mes propos doit garder à l’esprit que cet article est un texte allié qui sert la cause antiraciste plus qu’il ne la dessert, en critiquant certaines approches malhonnêtes voire hypocrites dans le cas des tartuffes évoqués dans mon premier exemple qui polluent ce mouvement, dont la noble intention est indéniable.

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Omar Aalabou

Fan d’anthropologie,et de linguistique j'espère pouvoir vous être utiles avec mes articles réguliers sur ces deux sujets mais aussi sur d’autres sujets